Association des amis de l'atelier du temps passé

Les cours généraux

Anatomie d’une peinture

Appréhension d’un tableau

Pour appréhender un tableau dans sa globalité, il est nécessaire d'en faire son diagnostic, c'est-à-dire qu'il faut prendre en compte tous ses éléments constitutifs. C'est la définition de ces éléments et de leur état qui permettra d'établir les nécessités de restauration.

Appréhension de l’objet tableau

Détail d’une couche picturale

Dans la mesure du possible, on essaie de déterminer dès le départ l’ensemble de toutes les opérations nécessaires à son traitement notamment les problèmes d’apport de matériaux nouveau et ceux de compatibilité entre ses matériaux et ceux d’origine (par exemple la présence d’eau dans certains matériaux de restauration peut poser de gros problèmes).

Il est impératif de bien prendre en compte les rapports des différentes couches du tableau entre elles et de ne pas simplement s’occuper de ce qui est visible. Pour principe, on ne restaure pas la conséquence d’une dégradation sans au préalable s’occuper de la cause. La détermination des causes de détérioration nécessite donc une parfaite connaissance et compréhension de la stratification du tableau.

Un tableau est constitué de strates lui conférant une identité hétérogène, chaque couche possède des spécificités et des problèmes particuliers. De plus, à l’intérieur d’une même couche, on peut trouver plusieurs matériaux, ayant eux-mêmes des spécificité et des types particuliers de dégradation.

Les supports à peindre

Support à peindre : généralité
On peut distinguer entre plusieurs familles de supports, mais nous nous intéresserons ici à une distinction particulière : les supports souples / supports rigides.

Support rigides

Les bois et cartons rigides : ces supports entraînent un séchage particulier des couches et donc des problèmes spécifiques.

Ces problèmes, comme pour l’ensemble des supports, proviennent non seulement de la nature du support, mais aussi de son conditionnement. Selon le conditionnement et l’essence du bois, on trouvera divers problèmes ou diverses façons pour le tableau de vieillir. Par exemple pour le chêne dont le séchage est lent, (si celui-ci a été mal dessèvé et séché), on trouvera sur le tableau un réseau de craquelures denses, serrées et profondes qui affectera l’ensemble de la préparation et qui débouchera à plus ou moins terme à un soulèvement soulèvement Altération de la couche picturale : perte de planéïté plus ou moins accentuée, due à une rupture interne à l’oeuvre (sans précision au niveau de la rupture), ainsi que son étendue à une ou plusieurs écailles. généralisé plus rapide que pour un bois parfaitement dessèvé et bien préparé.

Cas particulier, le bois vermoulu, le plus souvent par des galeries d’insectes (mais on peut aussi avoir des problèmes de champignons) et qui va rapidement occasionner des problèmes d’adhérence au niveau de la préparation, et non entre la préparation et la peinture.

Les métaux : principalement du cuivre dont l’oxydation va entraîner des réactions avec les pigments. le plus souvent le support est plus ou moins stable dans sa forme, mais l’image va être affectée.

Les supports souples

La toile : pour qui on trouve une multitude de problèmes affectant plus ou moins l’ensemble des couches du tableau. Peut-être l’un des problème majeur est-il la perte de tension et les déformations qui vont immédiatement se répercuter sur la préparation et à plus long terme sur la couche picturale.

S’il est vrai qu’une perte d’adhérence de la préparation va entraîner un déplacage de l’ensemble préparation-peinture, il est tout de même à noter que le problème de cohésion est entre la toile et la préparation, ce qui impliquera un autre style de refixage refixage Le refixage est l’opération permettant de redonner de la cohésion à un ensemble couche picturale/préparation seulement, ou un ensemble plus étendu de strates du tableau. Ce peut être aussi une opération permettant la reprise de clivage interne à un feuil du tableau. que celui nécessaire entre préparation et peinture.

La préparation

Si la première couche du tableau est le support, la deuxième en est sa préparation.

Traditionnellement elle se compose d’un encollage et de la préparation à proprement parlé. L’encollage (colle animale le plus souvent) bouche les pores du bois ou les mailles de la toile, il isole la fibre de cellulose de l’huile et permet une certaine stabilisation du support.

Pour les préparations, on distingue les préparations maigres rigides, maigres souples et grasses. Chacune de ces préparations possède un vieillissement particulier, des préjudices distincts et des types de restaurations adaptés. Même dans le cas où la préparation pose problème, il est nécessaire avant toute chose de s’assurer de la rigidité et de la stabilité de son support, stabilité sans laquelle toute opération sur la préparation se réduira à un échec.
Attention aux préparations rouges à base d’argile dont l’extrême sensibilité à l’eau est une source de problèmes particulièrement dangereux (transposition transposition Les transpositions sont les actions volontaires ou non conduisant la couche picturale à se déssolidariser entièrement de son support. On distingue les transpositions spontanées des transposions volontaires, ancienne technique de restauration consistant à séparer la couche picturale de son support. Devenue obsolète elle a causé de grandes dégradations et des pertes définitive d’œuvre ! spontanée).

La préparation peut être complétée par une impression, ou sous-couche colorée, dont le but est de mettre en avant une certaine tonalité à l’oeuvre. La plupart du temps, ces impressions sont grasses, huileusse ou en émulsion. Ces impressions peuvent être à l’origine de coloration excessive après vieillissement des tableaux, pour diverses raisons.

La couche picturale

Les couches colorées, ou matière picturale, peuvent présenter plusieurs densités dans leur rapport pigments / liant. On trouve des pâtes, demie-pâtes, glacis, frottis... Le liant est au choix de l’artiste : huile, oeuf, colle, cire, gommes, résines synthétiques pour les principales, on peut néanmoins trouver de tout.

Les pigments, eux, sont d’origine animale, végétale, minérale ou synthétique. Il est à noter que la différence entre une teinture et un pigment est qu’une teinture est soluble dans l’eau alors qu’un pigment ne l’est pas. Une laque est plus proche de la teinture que du pigment, c’est en fait une matière colorée à faible indice de réfraction qui devient transparente dans un diluant. La différence avec la teinture étant que la laque va posséder un diluant spécifique qui ne sera pas nécessairement l’eau.
Les proportions entre le liant et le pigment vont donner la qualité de la pâte, ainsi on a :

  • beaucoup de pigments peu de liant = pâte
  • quantité raisonnable de l’un pour l’autre (bonne saturation) = demi pâte
    grande quantité de liant pour peu de pigment = glacis.
  • Le frottis étant une demi pâte étalée tellement finement qu’elle prend une certaine transparence.
C’est la concentration de pigment dans le liant qui définie donc la pâte.

Enfin, on trouvera des vernis dont la fonction est double. Une fonction esthétique de saturation des couleurs et de rehauts du contraste, une fonction conservative de protection contre les agressions extérieures. Le vernis est un film dur et transparent, plus ou moins brillant et vieillissant de différentes façons fonction de la résine qui le compose. C’est à la fois une protection physique et chimique. La brillance d’un vernis provient de sa résine et de sa surface : plus un vernis est lisse, plus il est brillant.

Un vernis est une résine diluée dans un solvant (essence de térébenthine ou de pétrole pour la plupart). On trouve :

  • des vernis maigres (résine + solvant) et
  • des vernis gras (résine + solvant + huile) qui ne sont plus guère utilisés aujourd’hui.
Peinture : coupe schématique

Enfin, les vernis modernes sont à base de résines synthétiques dans un solvant, et s’apparente donc à des vernis maigres. Leur reflet est plutôt bleuté et ils paraissent moins doux que les résines naturelles après vieillissement.

On peut avoir avec les vernis certains problèmes de migration du solvant ayant des répercutions sur la peinture. Si tout cela paraît assez simple, et dans le fond ça l’est, ce qui est compliqué c’est que la plupart des tableaux ne sont pas composés avec tout le métier nécessaire à leur bonne conservation, les stratigraphies peuvent être compliquées, soit par ajout de matière durant des interventions antérieures, soit par le peintre lui-même, par manque de connaissance ou par recherche d’effet comme on peut le voir dans le schéma ci-dessous.

Et ce qui est important pour le restaurateur c’est de savoir lire la stratigraphie d’un tableau.

Pour cela, tous les moyens sont bons, regarder sur les côtés (il y a souvent des débordements de la préparation ou de différentes couches, soit par la lecture de ce qu’il y a sous certains déplacages, ou à travers les craquelures, par des tests et les différents moyens d’analyses et d’observations dont nous disposons - voir le cours sur les moyens d’introspection.