Extrait du mémoire de fin de formation de Clémence Paitier Éprouvettes de refixage Étude sur les techniques de refixages Avant d’entamer le traitement de conservation-restauration du tableau, il est important de rappeler que les décisions prises pour le traitement de celui-ci, bien qu’elles soient appuyées sur une déontologie, un savoir personnel acquis lors de la formation, des écrits ainsi que des avis extérieurs de professionnels, restent partiales et donc peuvent présenter une limite. Interventions de Conservation-Restauration Si c’est le cas (que les interventions sont partiales), ces éléments seront précisés, car il est important de remettre en question sa pratique régulièrement, d’autant plus que les nouvelles techniques et les analyses scientifiques font évoluer le métier tous les jours. Les interventions sur Bord de mer auront pour but de stabiliser les dégradations évolutives, rétablir celles qui ont déjà impacté l’œuvre, prévenir de dégradations futures et rétablir sa lisibilité. Ce processus est basé sur l’analyse des éléments constitutifs précédemment réalisés afin de comprendre les spécificités et les contraintes que présente l’œuvre. Chaque phase du traitement sera justifiée. Dans un premier temps vont être exposées des éprouvettes réalisées afin de déterminer l’adhésif de refixage refixage Le refixage est l’opération permettant de redonner de la cohésion à un ensemble couche picturale/préparation seulement, ou un ensemble plus étendu de strates du tableau. Ce peut être aussi une opération permettant la reprise de clivage interne à un feuil du tableau. à employer. Figure 85 : Photographie de l’oeuvre au sortir de son emballage L’image représente le tableau avec son facing I- Éprouvettes de refixage refixage Le refixage est l’opération permettant de redonner de la cohésion à un ensemble couche picturale/préparation seulement, ou un ensemble plus étendu de strates du tableau. Ce peut être aussi une opération permettant la reprise de clivage interne à un feuil du tableau. Pour rappel, au commencement du traitement de conservation-restauration, une protection de cyclododécane avait déjà été appliquée. Cependant, le produit ayant un processus de sublimation, il ne peut remplacer un refixage refixage Le refixage est l’opération permettant de redonner de la cohésion à un ensemble couche picturale/préparation seulement, ou un ensemble plus étendu de strates du tableau. Ce peut être aussi une opération permettant la reprise de clivage interne à un feuil du tableau. plus que nécessaire sur Bord de mer. Le choix de l’adhésif qui sera utilisé sera le sujet de ces éprouvettes. Figure 86 : Pose d’une goutte d’eau sur la surface 1) Tests de sensibilité à l’humidité et à la chaleur Avant toute intervention structurelle sur une œuvre, il est intéressant d’effectuer des tests de réactivité à l’eau et à la chaleur. En dehors de l’intérêt pour la connaissance des matériaux constitutifs, ces tests permettent parfois de déterminer le traitement le plus adapté aux besoins spécifiques du tableau. D’abord, le test de réactivité à l’eau, qui consiste à placer le tableau sur une surface plane, sa couche picturale vers le haut, et à tester la pénétrabilité de l’eau à travers la couche picturale de ce dernier, en observant la réactivité de la couche. Pour ce faire, il faut placer sous le tableau (entre la toile et la surface plane) une cale d’une hauteur permettant d’être au contact de la toile sans la déformer. Entre la cale et la toile, est placé un papier absorbant. Puis, à l’aide d’une pipette, il faut déposer une goutte d’eau sur la surface de l’œuvre au-dessus de la zone où se trouve le papier absorbant. Sont analysés le temps d’absorption, la réactivité de la couche picturale, ainsi que la quantité allant jusqu’au papier absorbant. Sur Bord de mer, la goutte d’eau disparaît très vite de la surface, et passe toutes les couches pour aller jusqu’au papier absorbant. Pourtant, les fissures présentes sur la surface et observées au microscope DinoLite semblaient démontrer l’utilisation d’une couche de préparation à tendance grasse (contenant beaucoup de liant gras, qui repousse l’eau). Cependant, l’ensemble de la couche picturale est fine, et celle-ci semble, d’après son comportement avec la goutte d’eau, particulièrement poreuse. Figure 87 : Résultats du test à la goutte d’eau À gauche, trace de l’eau ayant traversée le tableau lors du test. La couche picturale étant très poreuse et laissant aisément pénétrer l’eau, on considèrera que les éprouvettes peuvent être réalisées sur toile libre couverte d’un facing. Cependant, la porosité de la couche picturale peut révéler un affaiblissement au contact abondant de l’eau, ce qui serait une première raison pour éviter le refixage refixage Le refixage est l’opération permettant de redonner de la cohésion à un ensemble couche picturale/préparation seulement, ou un ensemble plus étendu de strates du tableau. Ce peut être aussi une opération permettant la reprise de clivage interne à un feuil du tableau. avec un adhésif aqueux, comme le sont les adhésifs naturels, qui représentent un fort apport d’eau. Le test de réactivité à la chaleur est lui important dans le cas de Bord de mer car de nombreux adhésifs se doivent d’être ré-activés par un apport de chaleur à l’ensemble de l’œuvre. Pour l’effectuer, la même base de travail que pour la goutte d’eau est conservée. En revanche, le papier absorbant est retiré, et est posé sur la surface de l’œuvre un papier exopap (type sulfurisé). Il faut ensuite faire chauffer une spatule chauffante, ou un fer de petite taille, jusqu’à 75° (correspondant à la plus haute température de fonte des adhésifs), et la placer ensuite sur la surface, en étant toujours en mouvement, comme pour refixer une surface. Une fois la surface du tableau chaude, l’observation porte sur la réactivité de la couche picturale, et les potentielles altérations provoquées par la chaleur. Dans le cas de Bord de mer, aucune réaction spécifique n’est observée, la couche picturale ne présentant aucune altération nouvelle. Les apports de chaleur peuvent donc être effectués en toute tranquillité afin de réactiver l’adhésif qui sera sélectionné. Figure 88 : Résultats du test de sensibilité à la chaleur À gauche, passage d’un mini fer pour le test de chaleur. On voit à droite que la couche picturale n’a pas réagi à la chaleur. 2) Sélection des adhésifs testés Afin de faire un premier tri parmi les adhésifs, il faut prendre en compte les différentes contraintes. Tout d’abord, la restauration devant impérativement commencer par le traitement de la contamination fongique, il faut pouvoir le réaliser avant le dit refixage refixage Le refixage est l’opération permettant de redonner de la cohésion à un ensemble couche picturale/préparation seulement, ou un ensemble plus étendu de strates du tableau. Ce peut être aussi une opération permettant la reprise de clivage interne à un feuil du tableau. . Après consultation d’une restauratrice spécialisée de sur ce sujet, il est décidé de poser un facing sur la face afin de pouvoir traiter la contamination en toute sécurité. Cette étape sera développée plus bas. Le refixage refixage Le refixage est l’opération permettant de redonner de la cohésion à un ensemble couche picturale/préparation seulement, ou un ensemble plus étendu de strates du tableau. Ce peut être aussi une opération permettant la reprise de clivage interne à un feuil du tableau. doit donc pouvoir être effectué avec le facing sur la face de l’œuvre, et ce dernier doit pouvoir être retiré ensuite en toute sécurité. Ce sera le paramètre principal d’évaluation des différents adhésifs dans ces tests. La présence de moisissures se développant dans des milieux organiques humides, et le facing devant être retiré à l’eau, les adhésifs naturels et aqueux sont écartés. En effet, prendre le risque de créer un environnement propice à leur développement, même après le traitement fongicide, ne serait pas raisonnable. D’autant plus que le test de réactivité à la goutte d’eau tendait également à considérer comme dangereux les adhésifs aqueux. Les tests porteront ainsi sur la pénétrabilité des adhésifs synthétiques, à travers une toile, et à travers un facing. Pour ce tests sont sélectionnés quatre adhésifs : l’aquazol, la Beva 371, le paraloïd B72, ainsi que le plexisol, et chacun d’entre eux est testé avec une concentration à 10% et une à 30%, hormis le paraloïd qui a un pouvoir adhésif plus fort et une viscosité plus importante. Il est donc testé à 5 et 20%. 3) Préparation des éprouvettes Figure 89 : Application du facing La préparation des éprouvettes commence par la sélection d’une toile, dont la structure présente la même densité que l’ensemble de Bord de mer. En effet, la toile sélectionnée est légèrement plus dense et serrée que la toile de Bord de mer, afin de prendre en compte l’existence de la couche picturale sur le tableau, qui va ralentir la pénétration de l’adhésif. Elle reste néanmoins souple. Plusieurs morceaux de cette toile sont ensuite préparés. Sur ceux-ci sont appliqués des facings de papier Bolloré 12 grammes collé à la methylcellulose 10%, qui sera la même technique utilisée pour le facing de Bord de mer. Les éprouvettes sont ensuite laissées à sécher. Pendant ce temps, on peut préparer les différents adhésifs à tester. Figure 90 : Préparation des adhésifs Chaque adhésif est dilué individuellement pour obtenir le pourcentage voulu. Afin de rendre leur pénétrabilité visible, chacun d’eux, séparé en petite quantité dans des pots, est coloré en rouge à l’aide de pigments. Sur le papier Bolloré collé sur les toiles et à présent sec, un tableau est tracé afin d’indiquer où chaque adhésif sera déposé. Sur la première éprouvette, ils seront posés par la face, et sur la seconde, par le revers. Une fois secs, les adhésifs seront réactivés à l’aide d’une spatule chauffante avec comme protection un papier exopap. Deux éprouvettes test, plus petite, permettront de tester le retrait du facing. Figure 91 : Réactivation à la chaleur 4) Application par la face Par la face, l’observation se portera donc sur les résidus d’adhésifs qui seront présents sur le facing, qui signifierait une mauvaise pénétration à travers celui-ci, et sur la présence de l’adhésif sur la toile au revers qui serait la preuve d’une pénétration complète et donc un résultat efficace. Une fois appliqués, on attend le séchage et on réactive à la chaleur. Résultats Tableau de résultats des tests d’application par la face Application par la faceParaloïd B72PlexisolBeva 371Aquazol 10% (5% ParaloÏd) Semi-pénétrant Diffusion modérée Reste de l’adhésif sur le facing Pas pénétrant Beaucoup de diffusion Énormément d’adhésif sur le facing Peu pénétrant Forte diffusion Reste de l’adhésif sur le facing Très pénétrant Peu de diffusion Restes d’adhésif sur le facing 30% (20% Paraloïd) Semi-pénétrant Peu de diffusion Reste beaucoup d’adhésif sur le facing Assez pénétrant Beaucoup de diffusion Reste de l’adhésif sur le facing Pas pénétrant Peu de diffusion Énormément d’adhésif sur le facing Semi-pénétrant Peu de diffusion Reste de l’adhésif sur le facing Comme cela a pu être observé, aucun des adhésif n’a la pénétrabilité nécessaire pour ne pas laisser de résidus sur le facing et donc risquer que celui-ci ne retire des écailles au moment de son retrait. Une réserve est émise sur l’utilisation de l’aquazol, qui bien que pénétrant, il a un pouvoir adhésif plus faible. Figure 92 : Résultats de l’application par la face 5) Application par le revers On teste donc ensuite de la même manière en appliquant les adhésifs par le revers et en suivant le même processus de séchage et de réactivation de l’adhésif. Résultats de l’application par le revers Application par le reversParaloïd B72PlexisolBeva 371Aquazol 10% (5% ParaloÏd) Trop pénétrant Peu de diffusion Adhésif sur le facing Trop pénétrant Pas de diffusion Adhésif sur le facing Trop pénétrant Pas de diffusion Adhésif sur le facing Pénétration moyenne Diffus Adhésif sur le facing 30% (20% Paraloïd) Trop pénétrant Diffus Adhésif sur le facing Pénétration moyenne Diffus Très peu d’adhésif sur le facing Très peu pénétrant Pas de diffusion Pas d’adhésif sur le facing Pénétration moyenne Diffus Adhésif sur le facing La Beva 371 à 30% appliquée par le revers présente ainsi une pénétration partielle, n’allant pas jusqu’au facing mais apparaissant en transparence, ce qui montre qu’elle s’est diffusé au travers de la toile. Son application est contrôlée, elle ne se diffuse pas au travers du reste de l’éprouvette, et le résultat est uniforme. Figure 92a : Résultats de l’application par le revers 6) Test de retraitabilité du facing Deux autres éprouvettes sont réalisées, plus sommaires, afin de tester le retrait du facing et d’observer l’adhésif sous celui-ci. On observa le diffusion sur la toile, et l’accroche au facing au moment du retrait de celui-ci. Résultat de :a retraitabilité du facing Retraitabilité appliqué par la faceParaloïd B72PlexisolBeva 371Aquazol 10% (5% ParaloÏd) Adhésif non diffusé Peu d’accroche Adhésif complètement diffusé Pas d’accroche Adhésif non diffusé Accroche Adhésif complètement diffusé Pas d’accroche 30% (20% Paraloïd) Adhésif légèrement diffusé Peu d’accroche Adhésif complètement diffusé Pas d’accroche Adhésif non diffusé Accroche Adhésif légèrement diffusé Accroche Figure 93 : Retraitabilité avec application par la face Par le revers, on cherche à savoir si l’adhésif a pleinement atteint l’autre côté de la toile, et si le facing accroche au moment de son retrait. Résultat de :a retraitabilité du facing Retraitabilité appliqué par le reversParaloïd B72PlexisolBeva 371Aquazol 10% (5% ParaloÏd) Pas pénétré complètement Forte accroche Pas pénétré complètement Pas assez d’accroche Complètement pénétré Peu d’accroche Pas pénétré complètement Pas assez d’accroche 30% (20% Paraloïd) Paraloïd) Complètement pénétré Forte accroche Pas pénétré complètement Pas assez d’accroche Complètement pénétré Peu d’accroche Complètement pénétré Peu d’accroche Figure 94 : Retraitabilité avec application par le revers 7) Rassemblement des résultats et conclusion D’après les tests, applique l’adhésif par la face ne semble pas une bonne solution, présentant beaucoup de résidus sur le facing et donc un risque que les écailles se collent à celui-ci plutôt qu’à la toile. Par le revers, la pénétrabilité n’est satisfaisante que pour peu d’entre eux, et ajouté à cela la diffusion de l’adhésif et la difficulté au retrait du facing, un seul correspond aux critères recherchés. En effet, la Beva 371 appliquée à 30% par le revers est le seul adhésif pleinement satisfaisant. Après l’ensemble des analyses réalisées, les résultats présentent la Beva 371 à 30% appliquée par le revers comme étant le meilleur adhésif dans le cas de Bord de mer. Sa mise en œuvre sera présentée dans la partie de la restauration structurelle dédiée. Figure 95 : Résultats de la Beva 30% par le revers Les images ont gardé leur numéro de référence, d’où ces numéros élevés de figure.